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Attac78Nord
7 avril 2005

Exposé de Gilbert Rachmuhl, comité local ATTAC 78 Nord

Le 7 avril 2005, exposé de Gilbert Rachmuhl sur la démocratie dans le traité constitutionnel,
comité local ATTAC 78 Nord
 
Remarques préliminaires

1. Constitution ou traité

Il y a polémique sur le sujet, les partisans du NON affirmant que c’est une constitution et ceux du OUI à gauche disant que c’est un traité.

Sans me prononcer, sachez que le mot le plus utilisé dans les 448 articles du texte est le mot constitution (152 fois) alors que le mot traité est très peu employé (3 fois dans les 436 articles des 3 premières parties. Mais curieusement 41 fois dans les 12 articles de la partie IV).

En effet, son nom et son mode d’établissement ne correspondent pas à une constitution, mais ses effets veulent être ceux d’une constitution.

Ainsi l’article I-6 La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci priment le droit des Etats-membres.

RM Jennar, ne voulant pas entrer dans la polémique l’appelle le traité constitutionnel ce qui, dit-il est un oxymore.

2. L’Union européenne n’est pas l’Europe. En effet, d’après le Petit Larousse (édition de 1968) : « Une des cinq parties du monde, la plus petite, mais la plus densément peuplée, comprise entre l'océan Arctique au nord, l'océan Atlantique à l'ouest, la Méditerranée et ses annexes, ainsi que, traditionnellement, la chaîne du Caucase au sud, la mer Caspienne, l'Oural à l'est. L'Europe a une superficie de 10 millions de km² et une population de 633 millions d'habitants (Européens). »
En fait, il a été créé une institution, le Conseil de l’Europe dès mai 1949 dont la qualité de membre correspond à la définition du petit Larousse. Il est constitué aujourd’hui de 46 états, dont la Russie et la Turquie qui en est membre depuis août 1949, soit seulement trois mois après la création du Conseil. Le 47ème état européen (le Béla rus) est candidat tandis que le Saint-Siège y est en tant qu’observateur.

L’Union n’est constituée aujourd’hui que de 25 États membres qui représentent 450 millions d’habitants tandis que l’Europe des 47 en comporte 800 millions. Ceci me fait penser aux Etats Unis, qui bien qu’ils représentent une minorité territoriale et de population des Amériques prétendent à en être les principaux occupants : ne dit-on pas « les américains » quand on parle des habitants des Etats Unis ? Il me semble que de même, il y a OPA des Etats de l’Union sur l’ensemble de l’Europe.

3. Ma troisième remarque concerne l’historique de la construction européenne. Notre gouvernement, dans le texte d’accompagnement qu’il va adresser début mai avec le contenu du traité à tous les électeurs français le lui présente ainsi : Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, six nations marquées par l’horreur du conflit et l’expérience de la barbarie, ont décidé d’établir entre elles une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent qu’elle avait si souvent déchiré.

On trouve ailleurs une autre interprétation de l’histoire : l’histoire de l’intégration européenne commence après la deuxième guerre mondiale, dans une situation politique difficile pour le capital européen discrédité par son comportement pendant le conflit. C’est pour modifier la donne à son avantage que le capital européen se lance dans le processus… Cette construction a toujours été appuyée par un combat idéologique s’attaquant constamment à l’indépendance nationale et à la souveraineté populaire… Les différentes phases de cette construction capitaliste ont suivi tout d’abord un rythme relativement lent qui s’accélère dans les années 80, pour entamer un véritable sprint à partir des années 90. Ces phases correspondent aux différentes évolutions de l’URSS et des pays socialistes (existence, affaiblissement et disparition) et aux reculs du mouvement ouvrier. De fait, le niveau de l’intégration européenne est d’abord le résultat d’une bataille entre le capital et le travail.

La remarque précédente nous ramène à notre sujet. En effet elle explique très bien ce que tout le monde appelle le déficit démocratique de cette construction, qui n’est pas pire avec la constitution, mais qui est constitutionnalisé, ce qui lui donne une valeur suprême, d’autant que les articles IV 443 à 445 mettent en place un processus très compliqué et unanime pour toute modification.

Après avoir écouté les raisons données par RM Jennar de ce déficit démocratique, je ne reviendrai pas sur ce que je vous avais dit lors de ma première intervention concernant la manière dont avaient été choisis (non élus) les “constituants”. Pour moi, le titre du livre de Jennar « Europe, la trahison des élites » est très bien choisi car c’est de cela qu’il s’agit : des élites ont progressivement concocté un ensemble où le citoyen normal ne peut pas s’y retrouver, et ont confisqué la démocratie à leur profit. Ainsi, dans le texte constitutionnel, le mot peuple n’apparaît que 6 fois, toujours au pluriel (les peuples européens), pour affirmer des objectifs respectables. Il en est de même du mot Nations qui n’existe qu’une seule fois à l’article II 109 alinéa 2 sur les principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines. Ce mot n’est jamais employé au singulier. M. Bolkenstein a d’ailleurs affirmé aujourd’hui à France Inter, qu’il était contre les référendums, car, pour lui, la démocratie représentative est faite pour représenter, et les électeurs n’ont plus rien à dire après avoir voté.

Le meilleur article sur le déficit démocratique de la constitution qu’on nous propose est pour moi le texte proposé par Etienne Chouard, professeur de droit à l’Université de Marseille.

Si M. Chouard a décidé de réagir, c’est que pour lui, les fondements du droit constitutionnel sont bafoués, si l’on rappelle les cinq principes essentiels transmis par nos aïeux :

1. Une constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte là est illisible

2. Une constitution doit être politiquement neutre : ce texte là est partisan

3. Une constitution est révisable : ce texte là est verrouillé par une exigence de double unanimité

4. Une constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte là organise un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et largement irresponsable

5. Une constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties

Ainsi pour voter en connaissance de cause il vous faudra lire :

- le traité 210 pages de format pdf (acrobat reader).

- Les 36 protocoles 191 pages

- Les 2 annexes, 7 pages

- L’acte final et les 47 déclarations à y annexer 73 pages, dont une très importante qui est les explications dont il faut tenir compte pour interpréter la charte des droits fondamentaux

La constitution française de 1958, en comparaison, comporte 19 pages et 89 articles courts. La procédure de révision, l’article 89, fait 11 lignes.

Il est aussi illisible parce que dans ces 385 pages il y a beaucoup de termes utilisés et non définis (comme les SIEG par ex, ou l’âge auquel le texte vous définit comme une personne humaine, etc) et il y a d’innombrables renvois à des articles, alinéas, paragraphes textes divers, qui supposent que le lecteur connaît tout ça par cœur.

Sur le deuxième point, toutes les critiques ont stigmatisé le libéralisme (en fait le capitalisme libéral) échevelé qui suinte de la plupart de ses propositions. Les politiques de l’Union forment l’essentiel de la partie III (322 articles et 121 pages extrêmement denses) et se fondent sur la loi de la concurrence libre et non faussée, sonnant le glas des services publics. Chacun des peuples engagé dans cette construction par leurs dirigeants ne pourra donc plus choisir une autre voie, sauf à quitter l’Union (comme le permet d’ailleurs l’article I-60).

Sur le troisième point, il suffit de lire les 3 articles concernant la révision du texte pour se persuader que cela est quasi impossible. Si les traités précédents (dont le « calamiteux » traité de Nice) étaient temporaires puisque modifiés de manière assez récurrente, le « traité constitutionnel » lui est sans limitation de durée (art IV 446) et sa force juridique est supérieure à tout (art I 6, I-7, I 12 et I 33) dès qu’il y a compétence de l’Union.

La volonté des peuples telles qu’exprimées par nos institutions nationales ne comptent plus pour les élites qui nous entraînent vers ce carcan européen.

Sur le quatrième point, M Chouard est en colère. Il cite Montesquieu, Il est essentiel, pour protéger les humains de la tyrannie, d’abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d’organiser le contrôle des pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs et pas de pouvoir sans contre-pouvoir.

Au contraire le traité constitutionnel entraîne la confusion des pouvoirs : tous les pouvoirs au conseil des ministres et à la commission. C’est ainsi que l’exécutif, le législatif et le judiciaire sont dans les mêmes mains. Ainsi un premier rempart essentiel contre la tyrannie nous échappe. De même, le Parlement est privé de pouvoirs élémentaires dans une démocratie : il n’a pas l’initiative des lois. Il n’a aucun moyen de contrôler et d’infléchir la politique menée par l’exécutif. Dans le meilleur des cas, il légifère en co-décision. Et il y a nombre de sujets qui lui échappent : le marché intérieur, la politique agricole, le tarif douanier, la politique de sécurité et de défense commune, la politique sociale, la politique économique, etc… il faut aller à la pêche, car, confirmant l’illisibilité du document, il n’y a pas de liste explicite de ces sujets.

De plus de nombreux responsables européens, aux pouvoirs étendus, comme les ministres du conseil ne sont responsables devant personne, et bien sûr pas devant le Parlement.

L’affaiblissement du contrôle parlementaire, c’est un deuxième rempart contre la tyrannie qui disparaît.

Par ailleurs l’indépendance de la BCE, dirigé par une personne nommée (par le Conseil) et non élue définit la politique financière de l’Union fondée sur la stabilité des prix. Cette personne n’est responsable devant personne, mais ses décisions affectent la vie quotidienne de chacun. Cette mainmise d’une institution dirigée par une personne irresponsable sur la politique économique de l’Union est un troisième rempart contre la tyrannie qui s’effondre.

Ainsi, nos exécutifs nationaux, nos élites, sont en train, en cinquante ans, de s’affranchir du contrôle parlementaire. Comment accepter cette maladie mortelle pour la démocratie ? Les homme politiques, qui ne sont que temporaires, n’ont aucun état d’âme à engager les générations futures à leurs décisions.

Sur le cinquième point

Les institutions européennes ont été écrites par les hommes du pouvoir qui ont donc toujours été juges et parties. Ils n’ont pas échappés à une dangereuse partialité. Ils ont abouti à un exécutif puissant et un Parlement fantoche, un recul profond du contrôle parlementaire, de la souveraineté des peuples et de la garantie contre l’arbitraire.

La seule voie acceptable pour créer un texte fondamental, équilibré et protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs en place, élue pour élaborer une constitution, rien que pour ça, et révoquée après.

La réécriture du texte, un an après son élaboration, par les gouvernants au pouvoir, est une énormité de plus.

Et M. Chouard, professeur de droit conclut :

En prônant la liberté comme valeur supérieure, au lieu de la fraternité, en détruisant la régulation par l’Etat, gardien de l’intérêt général, pour instaurer la régulation par le marché, somme d’intérêts particuliers, les économistes libéraux s’en prennent au fondement de la démocratie pour affranchir les principaux décideurs économiques de tout contrôle.

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