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Attac78Nord
13 juillet 2005

M. Poncelet, actionnaire masqué d'une banque en Floride

Le Monde.fr




   

M. Poncelet, actionnaire masqué d'une banque en Floride

   

LE MONDE | 13.07.05 | 14h19  .  Mis à jour le 13.07.05 | 14h19

e document parle de lui-même. Sous l'en-tête d'une société financière à la dénomination anglo-saxonne, Lake Investment Company, le courrier, daté de Genève, fut adressé au sénateur Christian Poncelet, le 4 mars 1991, par un gestionnaire de fortune établi en Suisse. Son objet : lui présenter les résultats d'une petite banque américaine, la South Florida Bank.

"Votre banque a profité d'une bonne année 1990", écrit sans ambiguïté l'homme d'affaires, Serge Vinet, à celui qui apparaît comme son client et qui est, aujourd'hui, le président du Sénat. Décrivant à M. Poncelet la "stratégie" des dirigeants de la banque dans laquelle il semble avoir investi pour son compte ­ et dont les tableaux financiers sont joints ­, le signataire le remercie "pour le suppo! rt et la confiance"  témoignés et conclut : "Nous pensons que votre banque va continuer à prospérer au fil de l'année."

A en croire ce document ­ et plusieurs autres, dont  Le Monde détient des copies ­, la South Florida Bank, créée en 1989 à Fort Myers (Floride), aurait ainsi compté, en toute discrétion, M. Poncelet parmi ses fondateurs. Le 18 octobre 1990, M. Vinet informait déjà le sénateur, alors président de la commission des finances du Palais du Luxembourg, des "performances"  de l'établissement, que ses dirigeants américains qualifiaient de "banque 5 étoiles" dans une lettre annexée ­ et rédigée, elle, sous l'en-tête d'une société Abel (Associated Business Export Limited), sise dans les îles Caïmans, paradis fiscal notoire.

Confronté à ces écrits, M. Poncelet a formellement contesté "détenir ou avoir détenu un seul centime à l'étranger".  "Je n'ai jamais confié la moindre somme à M. Vinet", affirme-t-il, avançant l! 'explication selon laquelle ces lettres auraient constitué ! "des sollicitations, pour ne pas dire des démarchages, comme les banques ont l'habitude d'en adresser à leurs clients habituels" .

Au démenti de M. Poncelet s'ajoute, certes, celui de M. Vinet, mais les justifications de l'homme d'affaires franco-genevois, interrogé par téléphone à la mi-juin, s'emboîtent mal avec celles du président du Sénat. "M. Poncelet est un ami, nous a-t-il déclaré, Il me demandait parfois des informations sur certaines opérations que j'effectuais à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis, pour pouvoir mesurer les difficultés des entreprises françaises à investir sur le marché américain. Je lui répondais bien volontiers..."

UN TAMPON "CONFIDENTIEL"

 

Récemment retiré des affaires, élu en 2001 à l'Assemblée des Français de l'étranger, M. Vinet revendique une  "proximité"  avec l'UMP, le parti de M. Poncelet. Celui-ci lui a "fait l'honneur" de lui remettre les insignes de l'Ordre na! tional du mérite en 2004. Mais, s'il certifie lui aussi n'avoir pas eu à placer ni à gérer l'argent du sénateur, il s'en attribue seul le mérite, invoquant une "règle d'or"  qui exclurait de traiter "quelque affaire que ce soit avec des politiques parce qu'avec eux, il y a toujours des choses qui peuvent vous claquer entre les doigts".

Jusqu'à quand dura le mystérieux placement américain, quels montants a-t-il représenté ? Extérieure à toute procédure judiciaire, l'enquête du Monde ­ qui ne s'est fondée sur aucune source issue du monde politique ni impliquée dans la campagne qui s'ouvre pour le renouvellement de la présidence du Sénat ­ ne permet pas de le dire. Tout au plus M. Vinet assure-t-il avoir "mis huit ans pour récupérer les fonds"  investis en Floride.

La preuve existe cependant que, au mois d'octobre 1997, il perçut encore 170 000 dollars après la vente d'actions de la South Florida Bank et qu'il adres! sa aussitôt le certificat correspondant à l'intention de "M! . le président de la commission des finances du Sénat, Christian Poncelet". L'enveloppe, postée à Monaco, portait un simple tampon "Confidentiel".

"Tout ce que je possède a toujours été parfaitement déclaré", nous a indiqué le président du Sénat. Agé de 77 ans, M. Poncelet ­ qui fut cinq fois ministre, et notamment secrétaire d'Etat au budget (1976-1977) ­ met en avant " [sa] carrière et -son- honneur" et souligne qu'il a été l'objet d'un contrôle fiscal  "il y a deux ans". Son patrimoine immobilier, qui inclut une maison à Remiremont (Vosges), deux petits appartements à Paris et une villa à Sainte-Maxime (Var), est estimé par l'administration des domaines à 1,5 million d'euros.

A la lecture d'autres documents que Le Monde lui a présentés, M. Poncelet a convenu que d'importants travaux d'agrandissement et d'embellissement de sa résidence varoise avaient été acquittés en argent liquide. Entre 1988 et 1991, le s! énateur semble avoir effectué une quinzaine de dépôts d'espèces sur le compte d'un promoteur toulonnais, René Chedouteau, notable varois et membre du RPR, décédé en 2002, à qui il avait confié la maîtrise du chantier de sa propriété. M. Chedouteau payait ainsi lui-même les entreprises locales sollicitées, de l'architecte à l'électricien, grâce aux versements réguliers de son client.

Adressés à M. Poncelet, les "relevés de débours"  établis par le promoteur étaient invariablement assortis d'une demande de règlement "dans les conditions habituelles" sur un compte au CCF dont les références suivaient. La somme en espèces arrivait peu après, ainsi que l'attestent les bordereaux émis par la banque.

Qualifiées par M. Poncelet de  "tout à fait régulières", ces opérations auraient été, selon lui, financées grâce à l'indemnité versée aux sénateurs pour subvenir à leurs "frais de mandat"  (secrétariat, permanence, frais de représentatio! n, etc.) et sur laquelle il dit avoir fait "des économies". Au total, les "petits plus" réalisés au fil des ans dans cette villa auraient été payés en espèces à hauteur de plus de 2 millions de francs ­ auxquels se sont ajoutés "des chèques", assure M. Poncelet.

Avoisinant à cette époque 30 000 francs mensuels, l'enveloppe sénatoriale pouvait être retirée en espèces par les élus et échappait à l'impôt. Cette possibilité n'existe plus depuis 2001. "C'est moi qui ai fait arrêter ça,  indique le président du Sénat. Il fallait imposer davantage de transparence."


Hervé Gattegno

Article paru dans l'édition du 14.07.05

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