Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Attac78Nord
24 juillet 2005

La famine, un tsunami annoncé

Niger

   

La famine, un tsunami annoncé

Le pays s’enfonce depuis des mois dans la famine, l’aide alimentaire n’arrive toujours pas. Premières victimes : les nomades et les enfants.

On se croirait revenu vingt ans en arrière. A l’époque de la grande sécheresse. En marge du désert, la grande vallée de la Tarka qui couvre trois régions au sud du Niger (Tahoua, Maradi et Zinder), n’est plus qu’une enclave aride, brûlée par un déluge de feu. Des cadavres d’animaux jonchent le sol. La sécheresse, puis les criquets qui ont durement éprouvé le Niger l’année dernière n’ont pas épargné cette zone de parcours et de convergence des troupeaux. Ici, comme d’un bout à l’autre du Niger, l’herbe manque, l’eau est rare et la nourriture pour les hommes et le bétail fait cruellement défaut. Le désespoir pour des milliers et des milliers d’éleveurs dont le sort dépend de ces animaux maigres qui n’ont plus aucune cote sur les marchés. Alors que les prix des céréales, eux, s’envolent.
"Pas moins de quatre boucs sont aujourd’hui nécessaires pour acquérir un sac de mil de cent kilos…", confie un chef de famille incapable de trouver deux mesures de mil dans tout le village de Chadakori, au nord de Maradi. L’an dernier, à la même époque, le bouc s’échangeait contre un sac de mil.
Un déficit fourrager record depuis la grande sécheresse de 1984 menace les éleveurs et leurs animaux. "Si même les ânes se mettent à mourir, c’est le signe annonciateur d’une terrible tragédie… Avec son boubou et son turban noir, ses manières de seigneur et ses airs prophétiques, Ardo Ousseïni, chef de tribu Kougou, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Dakoro, marque une pause. … parce que l’âne mange tout, y compris ses propres excréments." "Or, il n’y a plus rien ici. Les sédentaires ont tout ratissé, jusqu’au plus petit brin de paille. C’est en vendant cette herbe que beaucoup d’entre eux parviennent à nourrir encore leurs familles…", soupire-t-il. Les éleveurs qui nomadisent dans la zone, en sont réduits à tourner en rond, avec leurs maigres troupeaux, étourdis par la faim.

Des villages désertés
Le manque de nourriture exacerbe l’exode, dépeuple les villages et frappe les familles. Dans les villages vidés de leurs bras valides, les vieillards et les enfants sont les premières victimes. On ne voit plus à présent de gamins curieux courir derrière les véhicules des étrangers. Les enfants en bas âge présentent des visages de vieillards et des ventres bombés, signes trop connus de malnutrition sévère. "Il ne se passe pratiquement pas de jour sans que l’on enregistre au moins un à deux décès dans presque tous les villages…", rapportent les passagers d’un taxi-brousse archi-bondé en partance pour le marché hebdomadaire de Sabon Machi, dans le canton de Kornaka, au nord de Maradi.
Le long des routes, des files de gens fuient la brousse pour des cieux plus cléments. Dans les villes du Damergou et le Zarmaganda, deux régions abonnées aux déficits, respectivement au nord de Zinder et de Niamey, ce sont d’interminables processions d’enfants aux gestes lents qui quémandent silencieusement leur droit à la vie. Ils ne jouent même plus. Autour des carrefours et des marchés, des grappes de femmes s’agglutinent dans un état d’épuisement et d’abandon total. A Maradi, les plus chanceuses échouent au Centre de récupération nutritionnelle intense (Creni), après un parcours de plusieurs jours à travers la brousse, sans manger ni boire.
Face au très grand nombre d’enfants malnutris, Médecins sans frontières (MSF) a ouvert, en urgence, quatre antennes dans les départements de Dakoro et de Keïta, deux des régions les plus durement touchées sur les 23 départements déficitaires du pays. En janvier dernier, une enquête conduite par l’Unicef et Helen Keller International dans les régions de Maradi et de Tahoua, estimait déjà à plus de 350 000 le nombre d’enfants nigériens qui n’auraient droit à aucune prise en charge alimentaire et médicale.
"Dès le mois d’octobre pourtant, précise d’une voix émue Gian Carlo Cirri, représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) au Niger, nous avons sonné l’alarme. Car, il y avait des signes qui ne trompaient pas comme la hausse continue des prix des céréales à la récolte ou la baisse du prix des petits ruminants..." A la mi-novembre, l’État nigérien avait lancé un appel à l’aide internationale.

4 millions de Nigériens menacés
Huit mois plus tard, avec le début de la période de soudure, on entre, selon le PAM, "dans la phase la plus critique". De passage à Genève, Jan Egeland, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’Onu et coordonnateur des secours d’urgence a qualifié la crise nigérienne d"urgence humanitaire la plus oubliée et la plus négligée" (voir son interview dans cet envoi). Selon lui, près du tiers des 12 millions de Nigériens sont menacés par la famine, dont 2,5 millions ont un besoin urgent d’assistance. Pourtant, les bailleurs de fonds tardent à réagir.
Le gouvernement nigérien mise sur la "vente à prix modéré" (moitié prix) de 67 000 tonnes de céréales, un peu plus du quart du déficit total , aux populations les plus vulnérables d’ici août 2005. Bakari Seïdou, coordonnateur de la Cellule crises alimentaires (CCA), s’inquiète de la baisse du stock national de sécurité car on ignore ce que réserve la prochaine campagne. Avec l’arrivée des premières pluies, l’herbe commence à pousser. Mais, il y a loin des champs aux greniers. L’aide de la communauté internationale est plus que jamais urgente. Mais, estime un diplomate en poste à Niamey, on dirait qu’il y a "une sorte de lassitude ou de résignation de la communauté internationale par rapport aux problèmes du Niger", parfois accusé d’avoir la fâcheuse tendance d’exagérer ses besoins céréaliers. Mais pour Jan Egeland, "150 000 enfants nigériens présentent déjà des signes de malnutrition sévère et mourront s’ils ne reçoivent pas d’aide". Un bilan digne d’un tsunami, annoncé, celui-là, de longue date.

Par Ibbo Daddy Abdoulaye (Syfia) 
Le 02-06-2005

Publicité
Commentaires
B
.<br /> .<br /> .<br /> Pour tous les Citoyens du Monde : http://upliftment.canalblog.com<br /> .<br /> .<br /> .
Attac78Nord
Publicité
Archives
Publicité